Le Juste Milieu entre Destin et Libre Arbitre
Introduction
« Cette réflexion que je partage avec vous, après les salutations à notre bien-aimé [le Prophète, que la prière et la paix soient sur lui] et sa famille, ainsi qu’à ses compagnons les plus nobles, part d’une interrogation que cher Jamal a soulevée dans sa dernière vidéo. »
Et c’est vrai que cette interrogation sur notre destin et notre libre arbitre – le qadr et al-qadâ’ – a toujours poussé nos savants à s’interroger. Certains pensent que le qadr prime, d’autres défendent le libre arbitre. Comment juger quelqu’un qui est destiné à être ce qu’il est ? Théoriquement, ça semble une contradiction, pourtant c’est une réalité.
Le Débat Classique sur le Destin
Un premier groupe de savants affirme :
« Non, l’homme est libre. »
Un second groupe rétorque :
« Non, tout est destiné. »
Ces deux positions s’affrontent dans la complexité de la réflexion sur Al-Qadr et al-qadâ’.
Pour ma part, dans l’extension de cette pensée, je pense qu’il y a une troisième voie. D’ailleurs, l’Imam Ali – que Dieu l’agrée –, lorsqu’on l’interrogeait sur ce sujet, répondait :
« Entre le qadr [destin] et le qadr [libre arbitre], il y a la réalité et le juste milieu. Ce n’est ni l’un ni l’autre, mais les deux. Il faut trouver l’équilibre entre les deux. »
Et c’est là que réside la maîtrise du sujet : comprendre Al-Qadr, al-qadâ’ et al-qadar [les nuances du destin, de la prédestination et de la mesure divine], pour trouver ce juste milieu entre destin et libre arbitre.
Le Cas d’Iblis : Prédestination ou Choix ?
Cette interrogation, aussi pertinente soit-elle, va encore plus loin. Pour la saisir pleinement, il faut revenir à la révélation originelle, et plus précisément à Iblis.
Iblis était-il destiné à faire ce qu’il a fait, ou avait-il le libre choix de désobéir ? Cette question est au cœur du débat. Iblis lui-même déclare :
« C’est Toi qui m’as séduit. » [Coran 7:16, 15:39, etc.]
Mais cette « séduction » relève-t-elle du libre arbitre – c’est-à-dire de sa propre décision – ou d’une prédestination où il n’avait, en réalité, pas le choix ?
Si nous prenons cette interrogation du qadr à sa source, à la Genèse, nous voyons qu’elle est à la fois entourée de réflexion et de solutions.
Les Anges et le Califat d’Adam
Prenons le cas des anges. Ils entendent un décret divin :
« Je vais établir sur terre un Khalife. » [Coran 2:30]
Mais ils s’interrogent :
« Vas-Tu y désigner quelqu’un qui y sèmera le désordre et répandra le sang ? »
Pour eux, qui obéissent sans dévier, un être doté de libre arbitre – capable de désobéir – est incompréhensible. Leur question révèle leur incompréhension du destin lié à la liberté humaine.
Dieu leur répond :
« Je sais ce que vous ne savez pas. » [Coran 2:30]
Puis Il enseigne à Adam tous les noms [Coran 2:31] – y compris ceux que les anges ignorent. Cela montre que le califat humain, bien que risqué, recèle une potentialité supérieure : la connaissance des attributs divins, et par là, une forme de liberté dans le destin.
Les Prophètes et la Retraite Spirituelle
Tous les prophètes, sans exception, ont suivi un même cheminement :
- Une retraite (comme les Ahl Al-Kahf – les Gens de la Caverne).
- Une révélation qui redéfinit leur destin.
Prenons les Gens de la Caverne (Ahl Al-Kahf, Sourate 18) :
- Ils fuient une société idolâtre, se réfugient dans une grotte, et Dieu les endort pendant des siècles.
- À leur réveil, ils découvrent que leur fuite était leur destin – mais un destin qu’ils ont choisi en cherchant Dieu.
C’est là le paradoxe :
Le destin se réalise par le libre arbitre.
Les prophètes se retirent du monde (comme Moise sur le Sinaï, ou Muhammad dans la grotte de Hirâ) pour devenir les réceptacles de la parole divine. Leur retrait n’est pas une fuite, mais une recréation de leur destin selon la volonté de Dieu.
Dieu dit en substance :
« Je vais te montrer que Mon Khalife [l’homme] peut connaître Mes noms – et même les vôtres [ô anges]. »
C’est-à-dire : l’homme, par son effort et sa quête, peut transcender son apparent libre arbitre pour rejoindre le destin que Dieu a tracé pour lui.
Le Temps Divin et Notre Transformation
Dieu n’a rien à voir avec notre futur, car pour Lui, le futur est déjà passé. De même pour les Awliyâ [saints] et les prophètes : ils voient le temps comme Dieu le voit – unifié, sans linéarité.
Notre erreur est de croire que le temps nous transforme.
En réalité, c’est notre rapport au passé qui nous transforme.
Dieu nous dit :
« Reviens à ce que tu étais. » [Allusion à Coran 87:5, « Nous te ferons lire [le Coran], et tu n’oublieras plus », et au Hadith « Chaque enfant naît sur la fitra [nature originelle] »].
Quand vous comprenez que votre futur est un "passé" pour Dieu, votre vie change.
- Vous marchez éclairé par le déclin [le retour vers l’origine].
- Vous vous souvenez que vous êtes la créature la plus noble [Coran 17:70].
- Vous réalisez que le temps des Iblis [épreuves, illusions] vous a éloigné de cette réalité.
C’est pourquoi le Prophète – que la prière et la paix soient sur lui – a vu le Paradis et l’Enfer lors du Voyage Nocturne (Isrâ’ wa-l-Mi‘râj).
Pourquoi ? Parce que tous les temps existent déjà dans le "passé" de Dieu. L’enjeu n’est pas de devenir, mais de se souvenir de ce que nous sommes déjà.
Conclusion
La réflexion sur le destin et le libre arbitre ne peut être saisie que par ceux qui s’élèvent par la connaissance et ceux qui s’enracinent dans la révélation. Le Coran ne cesse de répéter cette vérité, mais seuls ceux qui méditent [yatafakkarûn] la comprennent.
Inch’Allah, cette réflexion vous transformera. Inch’Allah, vous marcherez avec le déclin vers Dieu et Sa parole.
« Que la paix soit sur vous. »






